Wolff-Parkinson-Whaaaat?

Yara El-Soueidi
5 min readNov 13, 2018
Franchement, le EKG de mon coeur a l’air de ça. Pis ça a l’air que ça se voit tout de suite.

En avril dernier, je suis allée sur une date avec un futur cardiologue. Le genre de gars que tu rencontres une fois pour bien te briser le coeur. Ce qui le fascinait avec le coeur, c’était sa fragilité et sa force à la fois. C’est un organe tellement spécial, à tant de niveaux. Fallait y faire attention, mais en même temps, il est tellement fort.

Aussi, il m’a dit le truc mignon qui m’a un peu pris au coeur. “And we live through the heart…”

Le coeur est un organe auquel je n’ai jamais vraiment pensé. Ton coeur est là, il fait sa job : te faire vivre. Si tu vis, ton coeur bat. Si tu respires, ton coeur bat. Tu travailles? Ton coeur bat. Tu te chicanes avec ton ex? Ton coeur bat. Tu baises? Ton coeur bat. Tu dors? Ton coeur bat. Bref, tu comprends où je veux en venir. Pour être honnête, j’ai toujours plus pensé à mon cerveau qu’à mon coeur. Mon coeur fonctionne. Il y a pas grand chose dire. Et personne, personne ne veut être affligé d’une maladie au coeur.

Le truc, c’est que quelques fois des choses t’arrivent qui sont pas nécessairement normales. Genre des syncopes. T’es souvent en train de chercher ton souffle. Des fois, tu perds connaissance une microseconde et tu te dis bon, ça arrive qu’à moi ça. Puis quelque fois, tu as des palpitations en regardant un film, tu paniques un peu souvent et ton coeur part.

Puis, un jour, tu t’évanouis la fois de trop. La fois où tu te fends la lèvre inférieure, que tu as peut-être fais deux syncopes seule en pleine nuit. Que tu as tout vomi, qu’il ne reste rien dans ton corps. Info-Santé t’envoie à l’hopital et toi, t’as juste acceptée. Faut que tu te fasses réhydrater, t’as une gastro. Tu pleures de manquer la job. C’est aux Urgences de l’hôpital Jean-Talon que le regard des infirmiers tout d’un coup te font douter de ton état.

Faut lui faire passer des électrocardiogrammes…
T’es sûre qu’il y a rien dans son dossier médical?
Peux-tu lui en refaire passer un?
Vous allez bien madame?
Wolff… Parkinson…

J’ai jamais cru que j’allais vivre une admission aux urgences aussi rapide. J’ai pas attendu que j’étais déjà prise en charge, branchée sur une machine avec des dizaines d’électrodes collés sur la poitrine. Piquée de partout, affligée de partout, en train de rigoler, un peu dans les vapes. La machine produisait des papiers qui montrait mon battement de coeur qui lui était regardé à l’heure. J’ai vite compris qu’il y avait un problème.

Il faut pas s’inquiéter madame. Ça se prend bien en charge tout ça.

Ne pas s’inquiéter? Ça se prend bien en charge? On parle de ma gastro non?

C’est là où j’ai pas réalisé. Jusqu’au moment où la médecin de garde me dit qu’il faut que je vois la cardiologue. À ce moment là, mon monde s’effondre juste un peu. La cardiologue? J’ai un problème au coeur? Ce fut dans une salle des urgences que la cardiologue me l’annonce. Ou plutôt l’annonce à ma mère.

Wolff-Parkinson-White Syndrome.

Ou la réaction que j’ai eu plus haut. Wolff-Parkinson-Whaaaaat?

Une maladie congénitale, que j’ai depuis toujours.

Mon coeur est un peu bizarre. L’électricité qui y passe…ben elle y passe trop. Il bat fort mon coeur, un peu trop fort. Il est intense mon coeur. Un peu à l’image de celle en qui il est. Mon coeur est passionné, un peu dramatique. Et ce, depuis toujours. Sauf que je le savais pas que mon coeur était un peu un coeur qui en faisait trop. Ça fait bientôt 28 ans que je vis avec ce problème. Du jour au lendemain, ça vient me frapper comme une claque en pleine figure.

5 secondes pour t’annoncer un truc pareil, ça a l’effet d’une thérapie de psychologue sur 5 ans. 5 secondes pour te dire que finalement, va falloir que tu passes des examens, que ce n’est pas très grave, mais qu’il faut faire attention et qu’il faut être plus prudente, ça te ramasse.

Le premier jour, j’en ai ri.
Le deuxième, j’ai réfléchi.
Le troisième, j’ai pleuré.

J’ai toujours vécu une vie à toute allure. J’aime la vitesse et l’excès. J’ai un autre problème, dont je vous parlerais peut-être un jour, qui me fait aimer les choses qui vont à toute allure. Ceci dit, la claque que j’ai reçu en plein visage m’a fait ralentir sérieusement. Assez sérieusement pour que je n’ai plus vraiment le goût de m’adonner à aller vite.

Je vais trop vite, je veux tout maintenant, à l’instant. Je n’ai pas de patience. Je fais tout trop rapidement. C’est en me promenant dans le Mile-End avec celle que je considère comme ma meilleure amie que je l’ai dis….

What’s the meaning of it all if I don’t know when my heart is going to go nuts one other time? Who do I want to find me unconscious on the kitchen floor? What do I want from all of this? It’s just all going to end one day.

Puis c’est ça. Cette claque là en plein visage. On aura beau me dire que c’est pas si grave, que ça se répare bien, c’est mon coeur. Mon coeur par lequel je vis, je m’exprime, je fais tout. Puis comme mon beau futur cardiologue l’avait dit… we all live through the heart. And I do live through the heart. Through my emotions, through my whole being, through my intensity.

But my mind is asking me to slow down. Really slow down. And my mind is asking me to try to think for a while. Effectivement. Je prends le moment de réfléchir et de me poser de nouveau.

Dans mon dernier article, je disais que je me redécouvrais. Il semble maintenant que je me redécouvre à travers aussi cette petite anomalie qui a toujours fait partie de moi. Me redécouvrir, c’est aussi prendre le temps d’être seule et de me demander qui je veux qui me retrouve complètement évanouie, la lèvre fendue en plein milieu de la nuit sur le sol de ma cuisine.

Pour l’instant, c’est bien personne.

En passant, le cardiologue est parti pour Toronto début juin. Je ne l’ai vu qu’une fois alors qu’on s’était promis de se revoir sans cesse durant les 2 mois qui lui restait à Montréal. Il a changé d’avis après avoir revu une ex pour ne pas partir à Toronto avec “a relationship”. Comme quoi, even if we live through the heart, sometimes the mind wins.

--

--

Yara El-Soueidi

29. millennial writer based in Montreal. feminist. b/witch. punk. queer. chaotic neutral. she/her/comrade. bonjour/hi.